Toutes ces pensées qui nous traversent pendant “la maladie” Témoignage personnel

petite plume 

Il est environ 5h du matin, je n’arrive pas à dormir. Tant de choses se bousculent dans ma tête…

Mon bras est douloureux, cela me ramène  au cancer du sein.

Une petite voix intérieure me pousse et me dit : « écris ». Alors, je me lève, sans faire trop de bruit, et viens me planter devant l’ordinateur. Les yeux me piquent un peu, les restants de sommeil, le temps d’ajuster ma vue à la luminosité de l’écran.

Me voilà devant une belle page blanche ! Par où commencer ? Et pourquoi ?

Peut- être est-ce mon désir de « mieux faire » ? Ou bien, de comprendre ? J’opte plutôt pour la seconde hypothèse.

Depuis de nombreuses années maintenant, j’accompagne des femmes (surtout), atteintes de cancer du sein.

Lorsqu’elles s’adressent à moi, soit elles sont en cours de traitement, soit il y a rémission ( quel nom bizarre !) REMISSION : terme que l’on utilise dans le cas d’une remise de peine, pour pardonner des péchés ( en me relisant, je pense à la symbolique du cancer du sein gauche: ben oui, il y a une partie de moi qui se sent coupable et qui a pas reçu comme elle aurait aimé… et blablabla! Eh bien il  y a encore du boulot!)

Mais là pour dire : diminution d’une maladie de façon temporaire ! Il y a comme une épée de Damoclés  au-dessus de la tête !

Certains peuvent penser ou croire qu’une fois opérée, la personne est guérie. Et que la vie va reprendre son cours « comme avant »

Que nenni !C’est une période qui n’est pas toujours très simple à vivre. Jusqu’alors, pour certains la maladie et les traitements occupaient la vie du patient, le tourbillon dans lequel il se trouvait, s’arrête. Le patient peut avoir l’impression d’être laissé tombé, ou abandonné. Il a souvent des difficultés à se sentir en sécurité alors qu’on ne lui demande plus de s’investir dans les traitements. Ou, il y a de la rééducation, dans le cas du cancer du sein, même pris au début, le fait que l’on retire les ganglions sentinelles, les canaux lymphatiques eux restent, mais ne sont plus irrigués de la même façon, cela crée une fibrose des ligaments, des gonflements, douloureux au début et pour quelques temps. Cela, et je ne peux parler que de ce que je ressens, me ramène au problème, et ne me permet pas de me sentir « Guérie » et puis il y a les rayons qui vont suivre. Tout cela contribue à un stress que personne autour de soi ne peut imaginer, ou sinon d’une façon très superficielle.

En ce qui me concerne, ce qui a été et est encore le plus difficile, c’est l’attente.

Entre le jour où l’on détecte une anomalie sur la mammographie ou/et l’échographie,l’attente du rendez-vous pour faire une biopsie et là encore,  l ’ATTENTE. Puis le verdict (tiens, encore un terme de jugement !: la cour rend le verdict !) et le couperet tombe : Il faut qu’on se parle : c’est un cancer.

Et là, le sol se dérobe sous mes pieds, la voix se hache, les larmes coulent, la panique envahie tout mon corps et ma seule pensée est : je veux pas mourir ! Pourquoi moi ?? la peur s’installe, plus le temps de quoique ce soit, c’est comme si d’un seul coup la vie c’est maintenant, tout de suite, pas de plans sur la comète. Il faut agir.

Ma réaction a été d’appeler mon mari, et quelques amis proches, leur dire que j’étais terrorisée, que j’avais besoin d’eux. Tout cela peut être très différent d’une personne à l’autre, et je ne peux que témoigner pour moi, mais une fois de plus, cela me fait vraiment aller plus loin dans mon désir d’accompagnement par rapport à la maladie. Il y a d’un côté ce que l’on a appris, ce que l’on imagine quand on vous raconte et l’empathie, mais surtout, à partir d’aujourd’hui, pour l’avoir ressenti dans ma chair, il y a une connaissance, une compréhension totalement différente, une forme de saut quantique.

Et puis l’ ATTENTE encore du Rendez-vous avec le chirurgien, l’opération, savoir si la chaîne ganglionnaire a été touchée ou pas, le stade du cancer, sa forme etc… Le réveil, le pansement et se demander si finalement, les pronostics étaient justes ou pas, et si on m’avait retiré le sein ? Que de tensions, de questionnements de craintes parfois non exprimées à cet instant…. Et puis encore l ’ATTENTE du premier rendez-vous de radiothérapie…. L’ATTENTE de se sentir aller mieux, l’ ATTENTE de reprendre sa vie en main….

L’ATTENTE, action de compter sur quelque chose ou quelqu’un et puis j’entends aussi le mot  « latent » : qui existe de manière diffuse, sans être apparent, mais qui peut à tout moment se manifester.

Pourtant je suis d’un naturel optimiste, mais je ne me sens pas en sécurité, je sais qu’il faut que je fasse attention.

Cette ATTENTE peut être interminable, le temps passe d’un seul coup lentement on voudrait tout savoir, tout maitriser.

Ah ! MAITRISER, le mot est tombé lui aussi !

Ce n’est pas toujours possible, il y a des choses qui nous échappent, c’est ce que nous avons à accepter. Et Bordel ! que c’est difficile ! oui, oui, j’ai bien dit « difficile », car à cet instant précis, et c’est parfaitement juste : je ne sais pas. Je ne peux agir qu’avec ce que je sais ! Et ça, j’ai à en prendre sérieusement conscience !

Et puis, je pense aussi qu’il y a des formules à ré-inventer…

On vous dit : vous avez été opérée, on a retiré la tumeur, c’est fini ! Mais à côté de ça, il y a les rayons ou la chimiothérapie pour certaines et les traitements hormonaux dans le cas de cancer hormono-dépendant. Et votre médecin fait une demande auprès des organismes pour que vous soyez prise en longue maladie !! Il faut savoir : je suis guérie oui ou non ???

J’ai l’air de plaisanter là, mais je vous assure que tout cela contribue au stress et au petit bonhomme qui pédale dans ma tête. Je comprends mieux les réactions de certaines personnes que j’accompagne.

Pendant tout ce temps et à cette période, l’entourage est très important.

Le patient qui vient d’être soigné d’un cancer est fragilisé en raison des traitements et de la sensation de menace de mort suspendue au-dessus de sa tête. Car le patient en a souvent conscience : il faut plusieurs années pour que les médecins parlent de guérison. En attendant, il s’agit d’une rémission. Et cette incertitude est difficile à gérer.

Le patient a besoin de temps pour sortir de sa maladie, retrouver une autre image de lui-même et récupérer de l’énergie, tant au niveau physique que psychologique. Les proches doivent comprendre que le patient peut se sentir encore fatigué et lui laisser du temps.

Il arrive souvent que des patients remettent en cause des aspects de leur vie, alors que leurs proches désirent avant tout que la vie redevienne « comme avant ». Ils peuvent être inquiets de certains changements de vie auxquels le patient aspire. Le patient peut se sentir bousculé, tout en se culpabilisant de ne pas parvenir à être comme avant la maladie. Il est important d’accepter que cette réadaptation prenne du temps. Pour la personne malade, les choses ne seront désormais plus tout à fait comme avant.

Et elles ne peuvent pas l’être ; C’est une évidence !

Cette « aventure », me fait prendre beaucoup de recule, tant dans ma vie familiale que dans ma vie professionnelle.

Les choses se mettent doucement en place dans mon esprit.

Je ne pense pas à faire ou à être comme avant : non, je fais avec ce que j’ai aujourd’hui, ce que je suis aujourd’hui. Je suis en évolution et j’en ai pleinement conscience ; nous le sommes tous, mais nous ne le ressentons pas forcément.

Cet été, je me faisais la réflexion suivante : Tous ces grands maîtres, tous ces « Eveillés » qui sont morts pour la plupart de graves maladie, comment est-ce possible ? avec leur mode de vie, de pensées ?…

Je crois que j’ai la réponse : je ne suis ni éveillée ni quoique ce soit, ce n’est pas parce que j’ai une casquette de « thérapeute » que je suis à l’abri de quoique ce soit : je suis tout simplement un Être humain doté de ses faiblesses et de ses forces, vulnérable. Ca ne veut pas dire que je sois uniquement « fragile », mais cette part de fragilité fait aussi partie des multiples facettes qui me constituent. Et ça, je crois que c’est primordial d’en avoir conscience.

Alors, je ne sais pas si ce témoignage pourra en aider quelques- unes à traverser cette étape, moi, ça me fait du bien d’en parler et surtout, je pense que mon écoute n’en sera que plus approfondie et me mettra encore au plus près du ressenti, pour aider chacune à exprimer ses peurs, ses angoisses, ses désirs, ses émotions.

Voilà, je m’arrête là, mais j’ai encore tant de choses à dire… une autre fois peut-être !

De tout mon cœur.488136_318291978260493_1573265218_n[1]

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