Nouvelle lecture pour l’été

VOICI UNE NOUVELLE LECTURE:

” Une femme innombrable” de J.Y Leloup

C’est simplement magnifique!

 

En voici quelques extraits:

 

…”Au matin de la résurection, le chant des chants :

«  mon bien aimé élève la voix.

Il me dit :

Lèves-toi, ma bien-aimée,

Ma belle, viens,

Va vers toi-même.

L’hiver est passé, Les pluies ont séché .

Sur notre terre les fleurs se montrent.

La saison vient des gais refrains,

Le figuier forme ses premiers fruits,

Et les vignes en fleur exhalent

Leur parfum.

Lève-toi, ma bien-aimée,

Ma belle, viens,

Va vers toi-même ;… »

 

«  Te voici !

Tu es belle, mon amie,

Que tu es bele !

Tes yeux sont des colombes.

Te voici !

Tu es beau, mon amour,

Que tu es beau,

Doux aussi !

Cèdres, les poutres de notre maison…

Cyprès, nos lambris…

Verdure, notre lit… » ( Cantique 1, 15-17

Te voir

Te regarder, mon amour,

Quand se dénoue ta chevelure,

Et se voilent tes seins,

Et ta main blanche

Sur cet océan noir.

Te regarder, à en perdre les yeux,

Jusqu’à cet invisible

Qui est ta secrète couleur,

L’hommage de tous tes membres.

J’ai tant voyagé,

Et aucune femme, aucun homme jamais,

Ne me fit jeter l’ancre,

Je te vois mon amour,

Et déjà je touche la terre fraîche

De mon port.

Je te vois,

Mais tu n’es ni le but

Ni l’arrivée ;

Je le devine

Tout en toi est seuil,

Ou porte,

Tu es le couloir où je m’approche

De l’inconnu qui nous fait naître,

Du Silence

Qui nous arrache au temps.

Je te vois,

Et  c’est tout ton corps qui se dérobe…

 

Te toucher

Te toucher mon amour….

Mais dis-moi où est ton corps ?

Toucher ton corps de silence, mon amour,

Ton corps immense

Qui m’échappe et me déborde,

Ce grand ciel au milieu des coussins.

Je peux me perdre en toi,

Comme la nuit

Et j’attends l’oiseau de ton rire

Qui me raménera sur les rivages du temps.

« Tu me fais perdre le sens,

Ma sœur, ma fiancée !

Tu me remplis le cœur

D’un seul de tes regards,

D’une seule perle de ton collier,

Qu’elles sont douces

Tes étreintes,

Ma fiancée, ma sœur !

Meilleures que le vin

Et le souffle de tes huiles,

Plus fortes que les aromates.

Tes lèvres, ma fiancée,

Le miel et le lait sont sous ta langue,

L’odeur de tes robes

Est comme l’odeur du Liban. « 

Cantique VI, 9-11.

 

Tes lèvres

Tes lèvres, mon amour,

« le miel et le lait

Son sous ta langue ».

Avec toi j’ai retrouvé le goût,

Tout le goût de la vie,

Dans un seul de tes baisers.

Désormais, quand je respire,

Lemoindre de mes souffles

A ta saveur.

Ton corps est un grenier de myrrhe,

Dans la fatigue du chemin

Se mêlent nos aromates.

Lorsque je me suis approchée de la  fontaine

De ton corps, mon amour,

J’ai su que mes lèvres

Etaient faites pour boire,

Et que tu ne tromperais pas ma soif.

Le lait que tu m’as donné

N’était pas celui de ma mère,

Il ne nourrissait pas l’enfant,

Il faisait naître la femme ;

La femme heureuse que je suis,

Eveillée ou endormie, contre ton épaule

Et je comprends

Pourquoi tu nous as demandé

De manger ton corps,

De goûter au fruit défendu.

Mes lèvres comprennent, ma tête s’égare,

Mes lèvres qui sont restées, ou est-ce ta saveur qui leur ôte toute mémoire ?

Mais tu nous dis encore

De « boire ton sang »,

Cela je ne peux, ni le vouloir,

Ni le désirer.

Le sang des victimes,

Ce n’estpas de ce sang

Que tu m’as demandé de boire,

Et ceux qui y boivent ne connaîtront

Pas d’autre goût que le goût du crime.

Tu ne nous a pas dit de boire le sang versé,

Mais de boire et de s’enivrer au sang vif

Qui frémit et bouillonne,

Dans les méandres de nos membres

Amoureux.

Où était mon corps, mon amour,

Avant que tu leregardes ?

Avant que tu lerespires ?

C’est quand tu l’as touché

Qu’il a pris forme,

C’est lorsque tes lèvres ont effleuré ma peau

Qu’il s’est mis à chanter….

«  Mon bien-aimé a tendu sa main

Par l’ouverture,

Et mes entrailles ont frémi.

Je me suis levée

Pour ouvrir à mon amant.

Mes mains distillaient la myrrhe,

Mes doigts, la myrrhe ruisselante,

Surla paume du verrou. »

Cantique V, 4-5.

 

Te désirer

Te désirer mon amour

D’un unique désir

Tous mes désirs et tous mes sens rassemblés

Y a-t-il autre chose

Qui puisse anoblir et justifier mon existence ?

Quand on a connu le silence

Que fait un grand amour,

Que reste-t-il à chercher ?

Mais, disais-tu,

Il reste à marcher,

A partager cette joie inconnue :

« Manger, amis, buvez,

Enivrez-vous. »

Pleurez aussi,

D’étranges larmes,

Parce que l’Amour,

Des bêtes et de la terre,

Des hommes, des anges et des dieux,

L’amour n’est toujours pas aimé…

 

 

 

«  Ne nous laisse pas succomber à la tentation et délivre-nous du pervers. »

La tentation est sans doute nécessaire pour grandir. Sans la tentation, comment saurions-nous ce que valent notre fidélité, notre intelligence, notre amour ?

S’il n’y avait pas autour de moi tous ces hommes qui me désirent, comment saurais-je que c’est toi que j’ai choisi, que c’est ton désir à toi qui éveille le mien ?

S’il n’y avait pas cette possibilité de folie, que vaudrait ma sagesse ? Et sans tous ces évènements absurdes qui introduisent en moi le doute, comment connaîtrais-je ma foi, ma confiance en une intelligence plus vaste que ce que ma compréhension considère comme insensé ?

Ce sont les tentations qui me révèlent les limites de ma fidélité, de mon savoir, de ma confiance, et moi qui croyais connaître ce qu’est aimer, la tentation me révèle les limites de mon amour, sa vanité… »

 
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